Ce qu’il faut retenir : Grace à la modélisation, la connaissance de la dynamique démographique de l’insecte sur cerisier permet de mieux organiser les moyens de gestion complémentaires existants, qu’il s’agisse de moyens prophylactiques ou d’évitement, de biocontrôle, ou de traitements conventionnels.
Principe de la méthode
Les connaissances biologiques relatives au développement de l’insecte sont organisées en algorithmes, qui exploitent les variables observées où mesurées. Les algorithmes exploitent les variables d’entrée pour produire une simulation de l’évolution de la population (tableau ou graphique). L’utilisation de données météorologiques prévisionnelles permet de disposer avec une avance raisonnable (de l’ordre de 10 jours) de l’information sur l’arrivée des vagues successives des générations, en lien avec des conditions favorables ou pas à sa multiplication.
Etat actuel des connaissances
Les données d’élevage de Drosophila suzukii en laboratoire, à température et hygrométrie constante, avaient permis de construire un modèle de prévision des risques basé sur la température et l’hygrométrie. La température est le principal agent de la vitesse du développement, tandis que l’hygrométrie est la principale contrainte réduisant les effectifs de l’insecte.
Mis en service au CRIIAM Sud dès 2017, cet outil reflétait bien les grandes différences entre les campagnes de production de cerise, et permettait d’annoncer la date et la gravité des « vagues de pontes ». Des points perfectibles étaient cependant identifiés : les mouches issues de la survie hivernales semblaient en pratique avoir une activité de ponte plus longue que ne l’indiquaient les données bibliographiques, et les contraintes hydriques avaient un effet de dépression des populations moins marqué que les données théoriques ne le laissaient prévoir.
Le projet DS2
Les données existantes concernaient toutes des élevages en conditions contrôlées et constantes, pourtant, dans la nature et les verger, l’insecte subit des variations fortes (et se déplace aussi pour y échapper). L’effet des variations avait été estimé par dire d’expert. Le volet modélisation du projet DS2, issu d’une collaboration CTIFL-CNRS/LBBE-DGAL, vise à étudier en conditions contrôlées l’effet d’une hausse ou d’une baisse de température et d’hygrométrie, et à mesurer le temps d’adaptation de la drosophile (voir fiche d’information « Biologie de Drosophila suzukii »).
Dans le même temps, la veille bibliographique permet d’avancer sur les connaissances relatives à la survie hivernale des drosophiles asiatiques.
Ces nouvelles données ont permis la proposition d’un nouvel algorithme.
Le modèle est disponible via le CRIIAM Sud (www.criiamsud.fr) pour la région PACA, et la plateforme INOKI du CTIFL (inoki.ctifl.fr) pour le reste du territoire.
Les outils d’aide à la décision, d’une manière générale, ont du mal à fournir une information à la parcelle sans mettre à contribution l’agriculteur, qui doit associer sa propre connaissance du verger et ses propres observations.
Pour autant, même si le modèle réalisé ne constitue qu’une contribution à l’analyse, il permet de façon crédible, après quelques années d’expérience, de prédire des périodes à haut risque et d’apporter un élément de comparaison entre les années, pour une situation agrométéorologique donnée.
Les périodes à haut risque, qu’on peut facilement identifier dans la figure 1 ci-dessous, sont appelées par les utilisateurs du modèle les « murs de ponte » tant la dynamique peut être forte à certaines périodes. Certaines années les risques sont plus élevés en plaine, et inversement.
Figure 1 : Sortie graphique du modèle DS avec la station météorologique de Carpentras-La Tapy
La validation des simulations des périodes de pontes intenses par le modèle s’est faite par des suivis de pontes sur le terrain, sur deux sites situés dans le Gard et le Vaucluse.
Le champ d'utilisation du modèle dans l'analyse de risque
Le modèle est dès à présent utile, il n’en demeure pas moins un outil d’aide à la décision, et ne peut à lui seul permettre de décider des actions à mener en culture.
La validation de la nouvelle version et la réalisation d’outils d’aide à l’interprétation ont commencé, afin de bien intégrer dans le « paysage d’information » du conseiller ou de l’arboriculteur les éléments de simulation, qui s’intègrent dans le contexte de la production :
- Le modèle « fonctionne » de façon crédible sur cerisier, parce qu’on passe d’une situation hivernale, où la population est très faible, à une situation où la ressource alimentaire de la drosophile est pratiquement illimitée, à partir du rosissement des premiers fruits dans les vergers.
- La connaissance de l’inoculum hivernal sur « la petite région », et la situation à la récolte précédente est un point important pour moduler le risque.
- La charge des arbres, va déterminer la pression du ravageur à population constante
- La période de prématurité-maturité des différentes variétés lors des « murs » de ponte est un point fondamental, cela peut influencer aussi la stratégie de récolte.
Des perspectives de développement sont envisageables pour le futur. Le modèle devra tôt ou tard s’intégrer dans un système d’information géographique plus vaste, intégrant l’occupation du territoire, la phénologie des plantes hôtes, la mobilité de l’insecte, les actions de l’arboriculteur, etc. Il gagnera alors en performance, surtout pour les autres espèces comme la framboise ou la fraise remontante.
Pour en savoir plus
Présentation du modèle par Christophe Roubal (DGAL, SRAL PACA): PDF « Modèle DS évolution et apports du projets DS2»
Présentation de la validation du modèle par Florence Fevrier (CTIFL) et Véronique Baffert (CTIFL): PDF « Modèle DS validation»