Ce qu’il faut retenir : Les filets périphériques nécessitent moins d’investissements que les filets mono-parcelle et peuvent être installés autour de vergers déjà existants. Le filet périphérique permet de limiter l’entrée du ravageur sur la parcelle mais il ne présente pas une efficacité suffisante lorsqu’il est utilisé seul. Il a permis dans certains essais de réduire le nombre de traitements de protection et de s’affranchir de produits CMR tout en conservant une production satisfaisante.
Principe de la méthode
Les filets anti-insectes se présentent généralement sous la forme de voiles textiles dont le grammage, l’ouverture de la maille et la largeur varient en fonction de la culture à protéger et du ravageur ciblé. Des filets à très petites mailles (1mm²) retiennent les ravageurs les plus petits (thrips, pucerons, drosophiles…) mais limitent la circulation de l’air ce qui peut favoriser les maladies fongiques. À l’inverse, des filets à mailles plus grandes (5mm²) protègent seulement des ravageurs tels que les mouches et les lépidoptères mais ont un effet moins marqué sur le climat de l’abri. Ce paramètre est donc à raisonner.
Les filets peuvent être de plusieurs matières (polyéthylène, polyamide, polypropylène, polyester). Les filets en polyéthylène sont résistants aux UV et à l’abrasion, ceux en polyamide sont très résistants à l’abrasion mais peu résistants aux UV et leurs mailles peuvent se rétracter dans le temps. Ceux en polyester sont très résistants aux UV et ceux en polypropylène peuvent être utilisés plusieurs années.
Les filets sont disposés autour de la parcelle. Les filets périphériques sont identiques aux filets mono-parcelle à la différence près que le toit n’est pas couvert.
Etat actuel des connaissances
L’installation de systèmes de production sous filet monorang ou monoparcelle ne peut concerner que de nouveaux vergers et nécessite des investissements élevés. Il s’agit alors de s’affranchir de la vision traditionnelle des vergers de cerisiers pour tendre vers des systèmes productifs à forte valeur ajoutée. Dans le cadre du projet DS2, des essais ont été menés pour évaluer l’efficacité des filets périphériques. L’avantage des filets périphériques est qu’ils peuvent être installés autour de vergers existants, en particulier les vergers en gobelets. Leur installation nécessite des investissements moins importants que les filets mono-rang et les filets mono-parcelle, et ils ont à priori l’avantage de ne pas nécessiter d’autant de réparations que ces derniers puisque c’est le toit qui subit généralement le plus de dégâts. La hauteur des filets est de 4 mètres tandis que l’altitude maximale de vol de D. suzukii serait inférieure.
Ce dispositif a également été mis en place au Cefel dans le sud-ouest de la France en 2018 sur un verger support de cerisier avec un historique de très forte pression. Associé à deux traitements positionnés à la fermeture du filet (phosmet) et 7 jours après (cyantraniliprole), les dégâts observés ont été inférieur à 10% contre 62,5% sur un témoin non traité, et 31,5% sur une modalité de référence chimique à quatre traitements (Ballion et al, 2021).
Le projet DS2
Des essais ont été réalisés dans le cadre du projet DS2 afin d’étudier les filets périphériques seuls et au sein de stratégies de protection en combinaison avec d’autre méthodes de lutte.
Des filets hauts de 4 m ont été installés en périphérie de vergers de cerisiers. Pour chaque parcelle protégée, une parcelle témoin a été identifiée : elle est composée des mêmes variétés que la parcelle protégée et est à proximité de celle-ci.
Les filets sont testés dans trois vergers de cerisiers :
- sur le Domaine expérimental de La Tapy,
- à Sud Expé
- et au CTIFL de Balandran sur trois ans.
Les variétés testées ont des précocités différentes : Earlise (précoce), Summit (de saison), Belge et Regina (tardives).
Les niveaux de population sont comparés dans les parcelles protégées et dans les témoins, en utilisant la méthode de piégeage de référence du réseau d’expérimentation utilisant des pièges VVE (voir : Fiche Piégeage massif – Attractifs).
Différents aspects des filets sont évalués :
- leur efficacité,
- leurs potentiels effets secondaires
- et leur intérêt technico-économique.
L’évaluation de l’efficacité est faite par une mesure des dégâts par observation des larves dans les fruits à la récolte. Les effets secondaires (i) sur les bioagresseurs et les auxiliaires sont évalués par des suivis de populations, (ii) sur le microclimat sont évalués par des suivis de température et d’humidité, (iii) sur la production sont évalués par des suivis de phénologie, de fruits double etc.
L’efficacité du filet périphérique seul est variable selon les sites et les années.
Lorsqu’aucun traitement insecticide n’est effectué à la fermeture des filets pour « nettoyer » le verger, les drosophiles peuvent se retrouver emprisonnées à l’intérieur et l’intérêt de bloquer l’entrée des drosophiles sur la parcelle est alors nul.
En revanche si un seul traitement est effectué lors de la fermeture du filet, il a été observé sur le site de SudExpé que la modalité « filet seul » présente une efficacité de 66% par rapport au témoin non traité hors filet. Mais ce n’est pas suffisant pour protéger la culture convenablement (plus de 20% de dégâts liés à D.suzukii en 2020).
Sur le site du CTIFL, la pression n’a pas été suffisante sur le témoin pour valider les essais. Sur le site de La Tapy, les épisodes de gel répétés n’ont pas permis d’obtenir des résultats contenus de la perte de production.
Aucun effet notable du filet n’a été observé sur le microclimat, sur la phénologie ou la biodiversité lors des suivis sur les trois sites expérimentaux.
Le filet a également été évalué en combinaison de méthodes.
Une réduction significative des dégâts a été observée en 2021 sur le site de SudExpé lorsque 2 traitements (en complément de celui positionné à la fermeture du filet 37 jours avant récolte) ont été positionnés à 18 jours (lambda-cyhalothrine) et 5 jours avant récolte (cyantraniliprole). La modalité « filet + 2 traitements _ I1 » présente une efficacité de 74% par rapport au témoin non traité hors filet_ E0 au premier passage de récolte, 98% au deuxième passage de récolte (cf. figure1) et 83 % au dernier passage. En comparaison avec la modalité « 2 traitements hors filet_ E1 », la modalité « filet + 2 traitements _ I1» présente une efficacité de 44% au premier passage de récolte, 95 % au deuxième passage (cf. figure1) et 73 % au dernier passage.
Sur le site du CTIFL la modalité « filet + 3 traitements » a présenté une efficacité de 92 % par rapport au témoin non traité hors filet au premier passage de récolte et de 83 % au deuxième passage, mais les dégâts sur le témoin non traité n’ont pas excédé 7%.
Les coûts d’investissements dans une structure avec filet dépendent des caractéristiques choisies : nombre de poteaux, type de fixations, type de porte, main d’œuvre pour la pose… Comme pour les filets monoparcelles, les filets périphériques nécessitent un entretien régulier de la structure (gestion de l’herbe, couture si déchirures). Un autre point de vigilance est le positionnement vis-à-vis des haies qui peuvent favoriser l’entrée du ravageur si elles sont trop proches du filet et plus hautes que celui-ci.
Présentation des résultats à SudExpé par Alexandre Magrit : PDF « Filet périphérique»
Pour en savoir plus
Infos Ctifl n°338 : Sécuriser la production cerise et limiter les intrants – La protection d’une parcelle contre la pluie et les insectes
Infos Ctifl n°310 : Le ravageur émergent Drosophila suzukii : Bilan de deux années d’études dans le cadre du projet CASDAR
Le Point Sur : Méthodes alternatives – Les filets de protection
Hors-série – Infos Ctifl n°2 : Drosophila suzukii connaissance du ravageur, moyens de protection – Bilan du projet CASDAR 2013 – 2016
Note de synthèse CTIFL Drosophila suzukii Avril 2021
Ballion et al. « Protéger les cerises de la drosophile » (Phytoma n°740 2021)